Est-il acceptable de suivre une opinion « faible » ? Je Dr Hatem Al Haj

Al-Qâḍi Abu Yaʽlâ raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) cite plusieurs rapports de l’Imam Aḥmad raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) permettant à ses disciples et à d’autres personnes qui lui ont demandé de trouver une concession dans les fatwas d’autres érudits, les référant parfois à Abdul Wahhâb al-Warrâq raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui)Ishâq raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui)ou Abu Thawr raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui)et même aux endroits où les savants se sont réunis pour demander l’un d’eux.1

Même si l’on considère une opinion comme faible, elle peut parfois être adoptée pour soulager certaines difficultés, à condition qu’elle réponde à certaines conditions, comme on le trouve en marâqi as-soʽood :

وكَوْنِهِ يُلْــجى إليهِ الضَّرَرُ إنْ كانَ لَمْ يَشْتَــدّ فِيهِ الخَوَرُ
وثَبَتَ العَــزْوُ وقَـدْ تَحَقَّقَا ضُرّاً مَن الضُّرُّ بِهِ تَعَ لَّــــقَا

Enfin, parce que le besoin pressant ou la nécessité peut obliger les gens à agir sur de telles (positions faibles) s’ils sont

[1] pas trop faible et

[2] leur attribution (à un mujtahid) était établie, et

[3] celui qui est sous la contrainte est certain de sa nécessité.2

On peut ajouter à ces deux autres conditions qu’al-Qarâfi raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) cité d’anciens érudits mâliki :

[4] Qu’on ne cherche pas les concessions où qu’elles soient.
Cela peut faire partie de la condition mentionnée ci-dessus, qui est la présence d’un besoin. Ainsi, on ne peut passer au crible tous les madhâhib des savants précédents afin de prendre la position la plus facile parmi eux concernant chaque sujet. C’est la position de la grande majorité. Une minorité d’érudits l’ont admis. Ils l’attribuent également à ‘Umar ibn ‘Abdul-‘Azeez, qui a dit :

مَا أُحِبُّ وَإِنَّهُمْ أَئِمَّةٌ يُقْتَدَى بِهِمْ وَلَوْ أَخَذَ رَجُلٌ بِقَ وْلِ أَحَدِهِمْ كَانَ فِي سَعَةٍ أَنَّ أَصْحَابَ رَسُولِ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ لَمْ يَخْتَلِفُوا؛ لأَنَّهُ لَوْ كَانُوا قَوْلا وَاحِدًا كَانَ النَّاسُ فِي ضِيقٍ

« Je n’aimerais pas que les Compagnons du Messager d’Allah ﷺ n’aient pas divergé, car s’ils s’étaient mis d’accord sur une opinion, les gens seraient restreints. Ils (les Compagnons) sont les chefs à suivre, et si une personne adoptait l’opinion de l’un d’eux, elle ne serait pas blâmable.3

Cependant, la grande majorité des érudits qualifient cette affirmation comme signifiant que l’on peut adopter une position plus facile d’un mujtahid qualifié si cela lui épargne certaines difficultés, mais ne peut pas simplement sélectionner toutes les positions faciles qu’il rencontre.

[5] Que l’on ne compose pas une position qui est rejetée par consensus (cela vaut surtout pour talfeeq c’est-à-dire le raccordement ou le mélange de différentes positions).

Al-Qarafi raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) rapporté avec approbation d’az-Zanâti raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) que les trois conditions pour autoriser un transfert d’un madhhab à un autre sont : a) qu’on ne corrige pas les opinions des différents madhâhib d’une manière qui produise une position rejetée par consensus ; b) que la personne s’engageant dans ce talfeeq croit en la vertu du mujtahid suivi; et c) qu’ils ne choisissent pas les concessions de tous les madhâhib. Al-Qarâfi a fait remarquer que les concessions qui ne doivent pas être adoptées sont celles qui ne sont pas fondées et qui peuvent être révoquées même si elles sont émises par un juge.4

Aussi, talfeeq qui aboutit à la synthèse d’une position rejetée par l’ensemble des madhâhib intégrés ne doit être interdit que dans certains cas. Si l’on s’engage dans taqléed (suite) d’un imam dans certaines clauses d’une transaction de vente et d’un autre dans d’autres, ce contrat devrait toujours être valable, à moins que les clauses ne s’excluent mutuellement ou n’entraînent une iniquité ou une déviation contraire au maqâṣid de la charia. Ceci est basé sur la position la plus forte, qui est que le ‘ammi (le laïc) n’a pas de madhhab.5 Un exemple d’interdit talfeeq c’est quand quelqu’un se marie sans témoin, citant l’Imam Mâlik, et sans annonce, citant la majorité. Ce mariage est une relation secrète qui est considérée comme illégale par tous. Autre exemple, lorsqu’on s’applique à soi-même des normes différentes de celles qu’on applique aux autres, comme par exemple invoquer le droit de préemption contre un de ses voisins mais refuser de l’honorer si un autre voisin tentait de l’utiliser contre lui.

Il devrait être évident que ces exemples sont différents du cas d’un laïc interrogeant deux muftis sur deux questions différentes concernant wudu (wuḍoo’ : ablution) et obtenant une réponse d’un mufti shâfiʽi qu’il suffit d’essuyer n’importe quelle partie des cheveux et qu’un autre réponse d’un Ḥanafi que (un homme) toucher une femme sans convoitise n’est pas un annulateur. S’il fait wudu selon la position Shâfiʽi et touche ensuite une femme sans luxure, il n’aura retenu son wudu selon aucun des quatre. Malgré cela, il semble que son wudu devrait toujours être valide.6 Ces questions ne sont ni interdépendantes ni mutuellement exclusives. Bien que la majorité des savants après le Xe siècle aient empêché cela, on ne le trouve pas mentionné avant le VIIe siècle.7 Aussi, c’est le consensus des Compagnons que celui qui a demandé à Abu Bakr raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) et ‘Umar raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) sur un problème peut demander à Muʽadh raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui)Abou Hourayra raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui)ou d’autres, sur un autre problème.8 Ils n’ont jamais limité cela à des questions qui ne se rapportent pas au même acte d’adoration. Sans l’autorisation des personnes réglementées talfeeq de nombreux contrats modernes ne seraient pas autorisés selon un seul madhhab. De nombreuses difficultés s’ensuivraient et l’immensité de notre héritage fiqhi perdrait une caractéristique importante de sa malléabilité et de sa résilience.

On peut aussi ajouter ici une autre condition, qui est que l’adepte de la position la plus faible [6] ne doit pas avoir une connaissance certaine de son défaut. Imam ash-Shâfi’i raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) déclaré,

أجمع المسلمون على أن من استبانت له سنة رسول الله ﷺ لم يكن له أن يدعها لقول أحد من الناس

« Les musulmans ont convenu à l’unanimité que quiconque la Sunnah du Messager d’Allah ﷺ devient évidente, il lui devient interdit de la laisser pour la déclaration de quelqu’un d’autre, peu importe qui il est. »9

Alors qu’il parlait des savants, la même chose peut s’appliquer à toutes les personnes qui sont certaines de l’erreur d’une position.dix Wâbisah bin Maʽbad raḍyAllāhu 'anhu (qu'Allah soit satisfait de lui) dit: Je suis venu voir le Messager d’Allah ﷺ et il a dit: « Vous êtes venu pour demander la justice. » J’ai répondu: « Oui. » Il ﷺ a dit,

اسْتَفْتِ قَلْبَكَ؛ الْبِرُّ مَا اطْمَأنَّتْ إِلَيْهِ النَّفْسُ وَاطْمَأنَّ إِلَيْهِ ال ْقَلْبُ، وَالإِثْمُ مَا حَاكَ فِي النَّفْسِ وَتَرَدَّدَ فِي الصَّدْر ِ وَإِنْ أَفْتَاكَ النَّاسُ وَأَفْتَوْكَ

«Consultez votre cœur. La justice est ce à propos duquel l’âme se sent à l’aise et le cœur se sent tranquille. Et ithm (péché) est ce qui vacille dans l’âme et cause des inquiétudes dans la poitrine, même si les gens vous ont donné à plusieurs reprises leur avis juridique.11

وصلى الله على محمد

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En rapport:

– Comprendre les déclarations des illustres imams : « Quand un hadith est Sahih, c’est ma Madhab » – MuslimMatters.org

– La voie médiane éloignée – MuslimMatters.org