Polémique à Strasbourg : une vidéo de Coran lu dans une église choque et indigne les communautés religieuses

Une prière, une caméra… et une tempête sur les réseaux : à Strasbourg, une vidéo virale montrant la lecture du Coran dans l’église Saint-Pierre-le-Jeune a fait réagir, et pas qu’un peu. Entre indignation, appels au calme et rappels aux bonnes pratiques du vivre-ensemble, retour sur une affaire qui ébranle la sérénité de la capitale alsacienne.

Un « buzz » à l’intérieur de Saint-Pierre-le-Jeune

C’était le 9 mars, dans le centre-ville historique de Strasbourg (Neustadt, tout près du tribunal). Un influenceur musulman, porteur d’un qamis éclatant et suivi par 617.000 abonnés sur Tiktok – excusez du peu –, se filme dos au chœur de l’église catholique Saint-Pierre-le-Jeune. Le concept ? Chanter une sourate du Coran, la sourate Mariam, quelques secondes durant, caméra en main. Mais la scène tourne court : une paroissienne ferme le rideau. « Vous êtes dans une église, vous sortez », insiste-t-elle, avant de rappeler, bon sens en bandoulière, qu’elle-même ne se filmerait pas en train de lire l’Évangile dans une mosquée. Ambiance.

Tempête sur les réseaux et réprobation immédiate

Postée sur Tiktok, la vidéo fait le tour du web aussi rapidement qu’un kougelhopf dans une kermesse. Les réactions fusent, et c’est la consternation autant chez les fidèles chrétiens que musulmans. L’auteur de la vidéo, face au tollé, tente de justifier sa démarche : il aurait agi dans un « esprit d’amitié entre les religions », en hommage à la Vierge Marie. Mais le dialogue tourne court, et l’influenceur reprend sa récitation malgré les protestations.

  • La Grande Mosquée de Strasbourg dégaine un communiqué, dénonçant « une offense intolérable ». Pour son président Saïd Aalla, il s’agit sans détour d’une « provocation inutile » : « L’influenceur a souhaité faire cet évènement pour attirer plus de vues pour ses vidéos. Je ne sais pas s’il a bien mesuré l’impact et la portée de son acte, mais cela nous a paru déplacé de le faire au sein d’une église. »
  • Selon lui, rien ne justifiait d’imposer la lecture d’une sourate dans ce lieu : « S’il voulait lire une sourate du Coran, il y a plein de lieux pour le faire notamment dans les mosquées. Il n’avait aucune excuse, ni aucune justification pour aller s’imposer dans une église. »
  • Et le président de se mettre dans la peau des fidèles chrétiens : « Je peux m’imaginer que si quelqu’un avait fait la même chose à la Grande mosquée, on l’aurait mal pris. »

Des relations interreligieuses fragilisées ?

Pour Saïd Aalla, le geste tombe d’autant plus mal que la tradition de convivialité entre communautés religieuses à Strasbourg est solidement établie. Il rappelle que « la communauté chrétienne nous a toujours prêté ses églises lorsque nous n’avions pas de mosquées, et le fait toujours aujourd’hui à Koenigshoffen. Je crois que cette relation est à renforcer, il ne faut pas lui nuire avec des comportements irrespectueux comme celui-là ».

Du côté de l’Église catholique d’Alsace, le ton se veut apaisant. Le vicaire général Jean-Luc Liénard, dans un communiqué, remercie la Grande Mosquée de Strasbourg pour sa réaction rapide : « Le mal faisant toujours plus de bruit que le bien, ne nous égarons pas. » Preuve que la volonté de tourner la page existe, même en pleine polémique.

Réactions nationales et tentative de conciliation

L’affaire dépasse bientôt le cadre local : la Grande Mosquée de Paris exprime à son tour sa colère face à « l’acte offensant et très irrespectueux » qui « suscite légitimement la consternation de la communauté chrétienne et de la communauté musulmane ».

Au beau milieu de la tempête, l’influenceur publie une nouvelle vidéo où il affirme vouloir envoyer « un message de paix, d’amour et de tolérance entre le christianisme et l’islam ». Une tentative de rattrapage sous la lumière des projecteurs, alors que la société strasbourgeoise s’interroge sur les frontières du respect mutuel et des limites à ne pas franchir dans les lieux de culte.

Que retenir de cette séquence qui, par une vidéo virale et malheureuse, met la question de la cohabitation religieuse au centre du débat ? Peut-être, tout simplement, qu’il suffit parfois d’un seul à vouloir faire le buzz pour tendre les fils d’une harmonie patiemment tissée. Strasbourg, ville carrefour, continue d’avancer, en se rappelant que « le mal fait toujours plus de bruit que le bien »… mais que le bien, justement, n’a pas besoin de caméra pour exister.