Polémique sur l’affiche de la femme voilée à Strasbourg : pourquoi cette image divise autant la France ?
Un simple sourire sur une affiche, un voile coloré… Il n’en fallait pas plus pour transformer une campagne bon enfant en orage national ! À Strasbourg, l’image d’une femme voilée, sélectionnée pour incarner « la douceur de ville », a fait exploser les compteurs d’indignation. Décryptage d’un emballement où réseaux sociaux, convictions politiques et récupération médiatique s’entrechoquent à qui mieux-mieux.
Le point de départ : une campagne locale qui dérape
- Tout est parti d’une affiche en apparence anodine, lancée par l’Eurométropole de Strasbourg lors de la Journée internationale des personnes âgées. On y voit Nacera, 66 ans, toute sourire, présentée par son prénom et son âge – mais surtout, arborant un hijab.
- Le samedi 27 septembre, Emmanuelle Brisson, figure de la droite dure et candidate politique, publie la photo sur X (ex-Twitter) : « Une ville qui choisit une femme voilée pour incarner sa “douceur”, c’est une ville qui tourne le dos à la laïcité. Honte à la ville de Strasbourg de financer cette propagande islamiste. »
- Le hashtag #Strasbourgistan est de la partie, clin d’œil appuyé à l’Afghanistan des talibans, histoire de bien charger la peinture.
L’effet domino : des réseaux à l’ampleur nationale
- À peine plus d’une heure après, la polémique gonfle déjà sur X. Un certain « Wolf », « patriote » revendiqué avec plus de 90 000 abonnés, partage l’affaire, suivi à 22h par Alice Cordier, fondatrice de Nemesis (collectif d’extrême-droite identitaire), puis par Charlotte Rocher, autoproclamée « LFI-phobe » et « féministe non-woke ».
- En trois jours, le post atteint 2 millions de vues. Strasbourg et sa maire, Jeanne Barseghian, sont dans l’œil du cyclone alors que les municipales pointent à l’horizon.
- Les protagonistes principaux partagent quasi-quotidiennement des contenus d’Europe 1, du Journal du Dimanche et de Cnews – médias du groupe Vivendi (majoritairement détenu par Vincent Bolloré, récemment épinglé pour son orientation pro-extrême-droite lors des législatives de 2024).
- Bientôt, Valeurs Actuelles et Le Figaro, suivis par BFMTV, les Dernières Nouvelles d’Alsace et 20 minutes, participent à la vague médiatique. Emmanuelle Brisson savoure : elle sera même invitée sur BFMTV pour évoquer sa « découverte ».
À droite, à gauche : la polémique fait l’unanimité… de la discorde
- Le sujet déborde vite la sphère de la droite dure. Pernelle Richardot (PS), élue d’opposition, attaque la municipalité pour une « stratégie politique délibérée » visant à polariser le débat et accuse Jeanne Barseghian de « prosélytisme ».
- Le collectif CitadElles, « féministe, universaliste et laïque », voit dans cette affiche l’apologie de « l’infériorité des femmes plutôt que l’émancipation », en écho aux combats de jeunes femmes iraniennes après la mort de Mahsa Jina Amini.
- Face à la tempête, la majorité strasbourgeoise finit par réagir. Syamak Agha Babei, premier adjoint, rappelle sur Facebook le rôle central des femmes comme Nacera ou Fatma-Zohra, Aïcha, Zahia : « ont gardé nos enfants, nettoyé nos écoles, accompagné nos aînés… avec la force tranquille de celles qui tiennent la société debout. »
Un contexte oublié : l’affiche, la loi… et huit autres invisibles
- Dans la cataracte des commentaires, peu s’inquiètent du contexte. Nacera n’est pas la seule à afficher la douceur strasbourgeoise : huit autres affiches formaient la série. Mais visiblement, Danièle (70 ans), Oogesh (63 ans) ou Monique (89 ans) ont moins de potentiel viral…
- Enfin, il n’est jamais inutile de rappeler qu’aucune loi n’interdit le port du voile (ni kippa, ni croix) dans l’espace public. Pourtant, dans l’agitation, qui s’en soucie ?
Conclusion : Plus qu’une simple photo, ce débat révèle combien l’espace public, la laïcité et la diversité demeurent des terrains électriques en France. La polémique aurait-elle pris sans réseaux militants d’un côté, tapis de médias et échéances électorales de l’autre ? Allez savoir… En attendant, gardons le sens du contexte, de la nuance et – osons ! – un peu de douceur dans nos débats.
