Polémique du burkini à Cannes : le combat contre les interdictions sur la plage relancé, la justice saisie

En été, à Cannes, le soleil brille, les parasols fleurissent sur le sable, et… une nouvelle polémique vestimentaire s’invite entre deux baignades ! Cette année, c’est le burkini qui déchaîne les passions et, une fois de plus, la plage devient le théâtre d’un débat national. Mais que se passe-t-il vraiment derrière les arrêtés municipaux, les saisines de la justice et les déclarations outrées ? Petite plongée, sans tuba mais avec recul, dans la « guerre du maillot » version 2016.

Un arrêté cannois qui ravive les tensions

Le 28 juillet, la mairie de Cannes – sous la direction de David Lisnard (Les Républicains) – publie un arrêté : jusqu’au 31 août 2016, « l’accès aux plages et à la baignade est interdit à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime ». Les contrevenants ? Un procès-verbal et 38 € d’amende en prime. Autant dire que pour certains, la piqûre de méduse ne sera pas la seule mauvaise surprise de l’été…

Le burkini dans le viseur : entre libertés et stigmatisation

Dans le viseur des autorités : le burkini. Ce maillot couvrant, porté par certaines femmes musulmanes, ne plaît décidément pas à tout le monde. Pourtant, Thierry Migoule, directeur général des services de la ville, précise à l’AFP : il ne s’agit pas d’interdire des signes religieux, mais bien « les tenues ostentatoires qui font référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre ». Une affirmation qui suscite la crispation, d’autant que selon lui, ces « nouvelles tenues » sont visibles à Cannes depuis l’an passé.

C’est dans ce climat que le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) saisit la justice en référé-liberté pour contester l’arrêté – et ne compte pas rester les bras croisés. Marwan Muhammad, directeur du CCIF, explique que deux leviers sont mobilisés :

  • Le caractère de restriction de libertés sans motif justifié
  • Le risque de stigmatisation envers les musulmans

Le CCIF indique qu’une dizaine d’habitantes cannoises « directement concernées » l’ont contacté. Depuis 2003, le collectif recense plaintes et menaces contre les musulmans : autant dire que la plage, pour ces femmes, n’a plus tout à fait le goût du farniente.

La justice et la société civile en alerte

Serein malgré tout, le CCIF s’appuie sur le précédent de Wissous Plage en 2014 : à l’époque, un arrêté interdisant l’accès aux femmes voilées sur un site touristique avait été suspendu, la préfecture s’étant opposée à la décision municipale. Qu’en sera-t-il à Cannes ? Pour l’instant, la préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas pris position.

Le burkini n’a pas le monopole de l’actualité estivale. Début août, une « journée burkini » devait être organisée dans un parc aquatique privé des Pennes-Mirabeau, finalement annulée. Nice-Matin révèle que Villeneuve-Loubet, autre commune de la région, a pris un arrêté similaire. Pour le CCIF, un point commun unit ces évènements : « celui de ne pas s’appuyer sur le droit ».

En effet, la loi française interdit le port du voile intégral dans l’espace public, mais ne proscrit pas les signes religieux. Nicolas Cadène, rapporteur de l’Observatoire de la laïcité, le rappelle : « On ne peut invoquer le principe de laïcité pour justifier des restrictions vestimentaires dans l’espace public ».

Une polémique (encore) française et estivale

Marwan Muhammad souligne une « saisonnalité des polémiques » autour de l’islam : jupes jugées trop longues à l’école, débats sur la nourriture halal ou rituel en période de ramadan, et bien sûr, le burkini sur la plage. Il regrette qu’on cherche à « créer un problème musulman ».

Nicolas Cadène, de son côté, appelle à la responsabilité politique : « Certaines décisions ne sont pas fondées sur de réels problèmes », affirme-t-il, rappelant qu’alimenter ce type d’interdits ne ferait que renforcer le repli sur soi et la posture victimaire.

La Ligue des droits de l’homme (LDH) de Cannes, par la voix d’un communiqué, fustige un « abus de droit » et invoque la laïcité de la Constitution. Elle ironise : « Notre maire a-t-il le catalogue des vêtements autorisés sur les plages ? À quand une milice des mœurs comme au pays des mollahs ? ». S’inquiétant des conséquences, la LDH exprime sa crainte de voir certains citoyens se sentir « exclus de la cité ».

Conclusion : Et maintenant ? Entre débats houleux, décisions judiciaires attendues et interrogations citoyennes, la polémique du burkini à Cannes prouve que la France ne prend (vraiment) pas les vacances quand il s’agit de laïcité et libertés individuelles. Un dossier à suivre, sans perdre le sens de la mesure… ni le plaisir d’un été ensoleillé, pour toutes et tous.